Au moment où le Département de la sécurité intérieure des États-Unis annonçait son intention de mettre au point des techniques médico-légales pour désanonymiser les transactions en cryptocurrency, MasterCard s’est lancée dans l’aventure avec des plans pour faire exactement le contraire.
Rendre anonyme les transactions électroniques
Selon une demande de brevet récente, le fournisseur d’infrastructure de paiement souhaite rendre anonyme les transactions électroniques via une chaîne de blocage
Le brevet explique comment le système masquerait l’origine et le montant des fonds impliqués dans une transaction donnée.
L’idée de MasterCard sonne un peu comme un mixeur ou un gobelet – un système souvent utilisé par les cybercriminels pour blanchir l’argent.
Effectivement, il fonctionne en fournissant une adresse primaire pour une transaction, cette adresse stocke ensuite les données de la transaction, y compris le montant et l’adresse de destination finale.
Une nouvelle transaction et signature numérique est créée, avec une nouvelle clé privée. Cette nouvelle transaction est responsable de s’assurer que les fonds parviennent à la personne désirée.
Par conséquent, lorsque vous recevez des fonds, l’adresse de l’expéditeur sera associée au système MasterCard, et non l’identité de l’expéditeur.
Il est également possible de rendre anonymes les montants des transactions en découpant une transaction en plusieurs parties. Ceci obscurcit encore plus une transaction en anonymisant le montant transféré.
Il convient toutefois de noter que MasterCard n’indique pas spécifiquement que ce système sera utilisé pour les transactions en cryptocurrency.
Rendre anonymes les paiements
La demande de brevet utilise le terme transaction de manière assez ambiguë. Il est possible que ce système puisse être utilisé pour rendre anonymes les transactions financières. Cependant, je ne vois pas beaucoup de gouvernements se rallier à cette idée.
Même s’il ne faut pas oublier que les brevets ne portent pas toujours leurs fruits, il pourrait s’agir d’un changement de pouvoir de MasterCard qui empêcherait quiconque d’effectuer d’abord un système de transactions numériques anonymes.
En effet, ce n’est pas la première fois que MasterCard dépose un brevet fondé sur une chaîne de blocage. Récemment, le fournisseur de paiement a également enregistré une demande de brevet pour un système permettant d’accélérer les transactions cryptocurrentielles.
Conséquences techniques et réglementaires à anticiper
Au-delà de l’idée d’anonymisation, il faut examiner les compromis techniques inhérents à toute solution de protection de la vie privée appliquée aux paiements numériques. Des approches comme les preuves à divulgation nulle de connaissance (ZKP), la cryptographie homomorphe, la tokenisation ou encore des réseaux d’obfuscation tiers (mixnets) offrent des voies différentes pour préserver l’anonymat tout en conservant une forme de vérifiabilité. Ces mécanismes impliquent des enjeux de confidentialité, traçabilité et conformité : la mise en œuvre peut affecter la scalabilité du réseau, augmenter la latence des transactions et nécessiter des ressources de calcul plus élevées au niveau des nœuds. Par ailleurs, des notions comme l’interopérabilité entre registres distribués, la gestion des clés dans des portefeuilles déterministes et la capacité à produire des preuves d’intégrité horodatées deviennent critiques pour assurer une auditabilité technique sans compromettre le secret des montants ou des contreparties.
Sur le plan réglementaire et opérationnel, l’émergence de mécanismes d’anonymisation soulève des questions sur la conformité aux cadres de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LBC/FT), la responsabilité des prestataires de services de paiement et la possibilité d’introduire des dispositifs de divulgation sélective ou d’« audit à la demande ». La cohabitation entre portefeuilles custodiaux et non-custodiaux, les obligations de conservation des logs, les mécanismes d’alerte et les outils d’analyse forensique devront être repensés pour concilier vie privée et contrôle. Enfin, ce débat technique et politique appelle une gouvernance transparente, des standards ouverts et des tests d’interopérabilité afin d’évaluer les impacts sur la fiscalité, la pénétration du marché et la confiance des usagers. Pour un regard citoyen et des pistes de mobilisation, voir le site Femmes En Colère.
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