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La course à la mobilité électrique est-elle vraiment lancée en France ?

Alors qu’avec son grand plan sur les infrastructures, Joe Biden fait entrer l’Oncle Sam dans la course mondiale à la mobilité électrique, la Chine investit massivement pour conserver son avance. La France, pendant ce temps, cherche encore timidement sa voie.

Sous l’impulsion de leur nouveau président, les États-Unis ont décidé d’accélérer pour développer les véhicules électriques. Dévoilé par Joe Biden le 5 août dernier, le plan pour verdir l’industrie automobile américaine prévoit ainsi qu’en 2030, la moitié des voitures vendues aux États-Unis seront électriques, hybrides rechargeables ou à hydrogène. L’objectif est double : « mettre l’Amérique en position de mener l’avenir de la voiture électrique et de dépasser la Chine », et « faire face à la crise climatique ». Il est même triple ou quadruple, car il s’agit aussi de créer des emplois pour de nombreux Américains laissés pour compte, et par l’amélioration de l’offre de mobilité, de combler la fracture territoriale et de désenclaver les zones les plus isolées, la qualité des infrastructures étant une condition indispensable au dynamisme du pays et à la création d’emplois durables.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement US prévoit également de réduire les standards d’émissions polluantes des véhicules thermiques de 10 % dès 2023, avant de nouvelles restrictions en 2026. « Le plus important, c’est de réaliser que c’est le futur. Nous ne pouvons pas passer à côté », a expliqué Joe Biden. À terme, le président veut que les États-Unis suivent la Californie en visant 2035 pour la fin de commercialisation des moteurs thermiques.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre du vaste plan global de 1 000 milliards de dollars en faveur des infrastructures que le président américain a réussi à faire voter par le Sénat le 10 août. Ce plan réactive d’anciens crédits non dépensés et mobilise en plus 550 milliards de dollars. Parmi ces derniers, 110 milliards iront à la réfection des routes et aux ponts, 66 milliards aux chemins de fer, près de 40 milliards aux transports en commun… Et 7,5 milliards seront consacrés au développement du réseau national de bornes de recharge pour les voitures électriques.

Ce nouvel objectif de 50 % de véhicules « propres » a l’horizon 2030 a été salué par les constructeurs automobiles, les organisations environnementales et les syndicats. Répondant à la promesse d’« emplois bien payés et syndiqués , le puissant syndicat UAW s’en est félicité par la voix de son président Ray Curry : « les membres de l’UAW sont prêts à construire ces voitures, ces camions électriques et les batteries qui vont avec. Nos membres sont l’arme secrète de l’Amérique pour gagner cette course mondiale ».

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La Chine en tête dans la course mondiale à la mobilité électrique

Car outre la lutte contre le changement climatique, il s’agit bien aussi pour les États-Unis de se positionner en leader sur la mobilité électrique, à l’heure où la Chine ne ménage pas ses efforts pour garder son avance. Le n° 1 mondial des batteries, le chinois CATL s’apprête ainsi à lever 9 milliards de dollars pour augmenter fortement ses capacités de production. Avec des projets de nouvelles usines en Chine, mais aussi en Allemagne, pour approvisionner des constructeurs comme BMW, Volkswagen et Daimler. La production de CATL devrait ainsi tripler entre 2021 et 2025, assurant au géant chinois 30 % de la production mondiale de batteries, le cœur technologique de la voiture électrique, et le tiers de sa valeur ajoutée.

Selon le Financial Times, sur ce marché mondial des batteries pour véhicules, CATL devance le coréen LG, le japonais Panasonic, l’autre chinois BYD et le deuxième coréen Samsung SDI. Les cinq premiers fabricants mondiaux, tous asiatiques, monopolisent aujourd’hui plus des trois quarts de l’offre mondiale. De plus, les deux tiers des capacités mondiales des batteries se trouvent en Chine, même les groupes japonais ou coréens produisant dans ce pays.

La création d’une filière complète de véhicules zéro émission est clairement un objectif stratégique du Parti communiste chinois. La Chine contrôle d’ores et déjà en amont les matières premières. Selon Bloomberg, les sociétés chinoises contrôlent 30 % de la production mondiale de lithium et au moins 50 % de la production de cobalt de la République populaire du Congo, laquelle génère 70 % de la production mondiale. La Chine dispose également de 80 % des capacités mondiales de raffinage de ce minerai, indispensable aux batteries.

CATL apparaît donc aujourd’hui comme le puissant bras armé et « l’enfant rêvé » du complexe gouvernemental et industriel chinois. Ses intentions de s’affranchir du cadre de la Chine pour s’étendre à l’Europe, à l’Indonésie et peut-être aux États-Unis, ont fait grimper sa valorisation à 200 milliards de dollars. Quant à sa rentabilité, elle dépasse de loin celle de ses concurrents, avec des marges d’exploitation proches de 15 %. Un atout qui pourrait lui permettre d’inonder le monde avec des produits cassés…

la mobilité électrique en France

La France a besoin de changer d’échelle

Mais si les États-Unis ont manifestement décidé de réagir et de se lancer dans cette course mondiale à la mobilité électrique, qu’en est-il de l’Europe et de la France ? Aujourd’hui, les rares usines de batteries installées en Europe sont asiatiques et le programme européen d’Airbus des batteries peine à décoller. La Commission européenne a pourtant proposé le 14 juillet dernier d’imposer l’interdiction à la vente des voitures non électriques en 2035.

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Aujourd’hui, si les ventes de véhicules électriques progressent fortement en Europe et en particulier en France, le déploiement des bornes de recharge électrique reste en décalage avec le marché. Ainsi la France comptabilise 43 700 points de recharge ouverts au public. Au cœur de l’été 2021, la France compte 1 point de recharge pour 14 véhicules 100 % électriques et hybrides rechargeables. Un ratio stable – au 1er février 2021, il était de 1 pour 13. Selon Barbara Pompili, ministre de la Transition énergétique, la moitié des aires de services d’autoroute sont équipées de bornes de recharge rapide, et toutes devraient l’être d’ici la fin 2022. Autre point positif, le gouvernement note une très forte accélération du déploiement des bornes depuis le début de l’année.

Malgré cette progression, l’objectif du gouvernement de 100 000 bornes de recharge ouvertes au public d’ici fin 2021 ne sera pas atteint. L’incapacité à pouvoir réaliser, en toute sérénité, le plein d’électricité en itinérance reste le principal frein au développement de la mobilité électrique. Aujourd’hui, 90 % des recharges s’effectuent d’ailleurs à domicile ou sur le lieu de travail, et seulement 5 % sur les autoroutes et les routes nationales. Le renforcement du réseau des bornes de recharge sur le réseau d’autoroutes et de routes est donc aujourd’hui une nécessité. Mais jusqu’ici les investissements consentis ne semblent pas vraiment à la hauteur de l’enjeu.

Compétition technologique, écologie, emploi : s’inspirer du plan Biden

Pour entrer vraiment dans la course mondiale à la mobilité électrique, se positionner dans le wagon de tête, et tenir son rang au niveau international, la France gagnerait sans doute à passer à la vitesse supérieure et à s’inspirer du plan Biden. À l’échelle de la France, en proportion du PIB, cela représenterait un investissement de 32 milliards d’euros – les États-Unis consacrant 312 milliards de dollars aux transports, dont les routes et les ponts, soit 1,4 % du PIB. Un montant qui n’a rien d’exorbitant au regard des enjeux.

Car il en va également de la politique environnementale de la France et de l’atteinte de ses objectifs de en matière de lutte contre le changement climatique. Les transports constituent en effet le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 30 % des émissions. Et la route reste une infrastructure incontournable pour la très grande majorité des Français, 74 % des déplacements domicile-travail s’effectuant toujours en voiture, selon l’Insee.

Le développement des véhicules propres, à zéro émission, représente donc la voie la plus efficace à moyen terme et la plus acceptable socialement pour s’engager vraiment sur la voie de la mobilité durable. Et en attendant que l’hydrogène prenne éventuellement le relais, les véhicules électriques s’imposent pour les trajets routiers comme la solution de mobilité la plus écologique.

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Les infrastructures doivent donc être modernisées et adaptées à ces nouvelles formes de mobilité décarbonée, grâce en particulier au déploiement d’un réseau dense de bornes de recharge électrique rapide… Ce qui impose des investissements à la hauteur de l’enjeu.

D’autant qu’un vaste plan de modernisation des infrastructures routières serait également utile sur le plan social car il aurait le mérite de favoriser la création d’emplois non délocalisables. On estime en effet qu’un million d’euros de travaux dans ce domaine permettent de générer dix emplois. Il apporte, en ces temps de crise, un soutien bienvenu aux sous-traitants locaux du BTP. Un choix qui serait à coup sûr soutenu par les élus locaux et dont les bénéfices seraient immédiatement perçus par les Français.

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